Dans une langue poétique, Venus Khoury Ghata délivre de son silence une « idole féminine nue aux bras croisés » ensevelie dans une tombe d’une princesse morte.
La sculpture féminine que l’auteure appelle dans son texte « la Dame de Syros » est magnifiquement reproduite dans son intégralité par la 3ème de couverture de l’ouvrage dont le format et la maquette sont agréables et élégants.
« La Dame de Syros » est emblématique de l’art des cyclades d’il y a plus de 4 000 ans : silhouette longiligne très épurée dans sa géométrie de marbre, bras croisés à la taille, tête à la forme de lyre où sont absents les yeux, la bouche « visage absent du visage » ; le nez qui coupe le visage en deux en est le seul relief.
Le très beau texte de Venus Khoury Ghata est plus qu’une lecture personnelle et libre de cette œuvre. L’auteure est « La Dame de Syros » par l’utilisation du « je » et la prédominance des mots liés à la parole et au corps pour insuffler vie et sens à son homonyme de pierre.
La narration suit également une progression dans la connaissance de l’effigie comme si l’auteure fissurait petit à petit les attaches qui enserrent la sculpture pour un lent retour à la lumière.
Ainsi, la figurine de pierre est, pour l’archéologue passionné et premier personnage rencontré, une exaltante et prodigieuse «découverte » arrachée à la terre en lui inventant peut être un passé qui n’est pas le sien.
Le sculpteur est celui qui a façonné et ciselé à sa manière la statuette : muette, aveugle, entravée et inféconde.
La statuette est aussi le lieu de l’esprit et des pensées d’une jeune fille Kia à la recherche de son frère jumeau défunt.
L’idole est enfin cette jeune fille libérée à travers le regard et les mots de Vénus Khoury Ghata qui lui prête voix et lui donne vie.
Un très agréable moment de lecture d'un texte qui oscille entre l'observation de l’œuvre et l'écriture sensible de la poétesse et romancière Venus Khoury Ghata.
N'hésitez pas à découvrir de très beaux textes d'auteur(es) autour des chefs d’œuvres des musées régionaux offerts par les éditions Invenit dans la collection Ekphrasis.
"L'idole féminine nue aux bras croisés" est visible dans les collections du Musée du Louvre Lens :
"Le sculpteur de Syros le voulait
il m'avait élaguée tel un arbre malade
taillé le superflu à ma survie
effacé l'excédent à ma temporalité
gardé le cri invisible
le regard gelé tourné vers l'intérieur".
(Extrait)
Zakuro
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