Grandiose et terrifiant, ce sont les premiers mots qui me
viennent à l’esprit. Je suis subjuguée par le tour de force littéraire de Dan
Chaon qui m’a fait aimer ce livre malgré des heures d’angoisse, dont la
fin est un summum de perversité. Ce livre est diaboliquement bien écrit !
Peu habituée à lire et à chroniquer des romans noirs,
me voici maintenant confrontée à la difficulté de dire sans trop
raconter ce thriller psychologique qui m’a glacé le sang.
2011 :« Un jour au début de mois de novembre, le
corps du jeune homme qui avait disparu sombra au fond de la rivière » ;
1983 :
« Personne ne savait qu’ils seraient
tous morts avant la fin du week-end ».
Le lien entre ces deux événements tragiques est Dustin
Tillman, psychologue à Cleveland dans l’Ohio.En 2011, à la suite de plusieurs morts par noyade
d’étudiants, Dustin accepte la proposition de l’un de ses patients,
Aqil Ozorowski, un ancien policier en arrêt maladie, de mener avec lui
l’enquête sur ces disparitions,
imputées à un tueur en série ou à l’alcool, mais toujours classées sans suite.
En 1983, ses parents, son oncle et sa tante ont été
sauvagement assassinés par arme à feu. Le frère adoptif de Dustin, Rusty a été
accusé et mis en prison. Dustin a aujourd’hui deux enfants, Aaron et
Dennis, qui ignorent tout du massacre. Mais la remise en liberté de
Rusty qui est déclaré non coupable au bout de 29 ans de prison, va semer le
trouble dans la famille.
J’ai aimé que l’histoire se déroule sur une longue période,
de l’enfance de Dusty en 1978 jusqu’en 2014 qui permet de mieux cerner sa
personnalité, celle de ses sœurs Kate et Wave et celle de Rusty. Rusty,
l’orphelin et le mauvais gamin, le Heathcliff des Hauts de Hurlevent. Celui qui ne pensait pas à mal en faisant ses
bêtises d’adolescent, que Dusty, enfant, adorait.
J’ai aimé la manière dont l’auteur a construit son roman.
Il alterne le temps présent et passé sur une longue période, le rythme n’est
pas linéaire, il passe sans cesse de l’un à l’autre. Et les quelques SMS qui
ponctuent son texte sont terriblement efficaces. Je me suis un peu perdue dans
les tableaux ne sachant plus qui parlait et où raccrocher ma lecture mais j’ai
aimé cette coupure dans le texte qui me bouscule dans mes habitudes.
Don Chaon a joué avec mes nerfs et mon cœur, il assène la
réalité avec des phrases tranchantes mais il ne dit pas tout. Que
ce soit pour la série de meurtres ou le crime filial, le mobile et les
circonstances sont imbibés au compte-gouttes d’une noirceur gothique à en
perdre le souffle. J’ai été déstabilisée par le fait que Dusty ne termine pas
ses phrases quand c’est lui qui parle. Et là aussi, Dan Choan a redoublé
d’intelligence vénéneuse quand il emploie le « je » pour
Dusty : j’étais Dusty dans ma tête et je ressentais péniblement son
désarroi et sa souffrance.
En prise avec l’enquête des meurtres des étudiants et de
son propre passé qui lui échappe, il ne se méfie pas assez du piège que
la faucheuse est en train de lui tendre, à lui et aux siens.
C’est un roman époustouflant de détresse intérieure et de
manipulations perverses que je ne suis pas prête d’oublier !
Régine.
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