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L'oeil du jour, Hélé Béji, Editions Elyzad


Un trottinement de mules, un tintement de clefs, une armoire et des tiroirs qui s'ouvrent, un froissement léger d'étoffes, des effluves de fleur d'oranger et de mandarinier : se tient là une vieille dame si paisible et réconfortante qu'elle fait fuir les malins de la nuit comme Boutellis.
Cette dame est la grand mère de l'auteure et narratrice Hélé Béji qui lui rend visite à Tunis, rue El Marr.

Au cours de l'un de ses séjours, elle nous raconte sa dernière journée en forme d'hommage à son aïeule et de douce nostalgie pour la maison enchantée qui la berce et la rassure avant de retrouver Paris où elle réside.
Dans cet havre de quiétude, les petits pas de la grand-mère oeuvrent pour la plénitude des traditions en dépit de l'agitation moderne et publique.
Son énergie est si communicative que l'on perçoit à travers les yeux de sa petite fille, ce rayonnement et cet élan de vie dans les objets quotidiens de la maison ;
La vie est partout, dans le frémissement des rideaux jaunes tango, dans le reflet des fleurs de faïence, dans les jolis napperons brodés, dans les couleurs chantantes du patio.
Mais pour combien de temps ? La ville résidentielle trépigne autour, grandit avec ses tours bétonnées et ses façades publicitaires.
Le fossé s'élargit entre les nouveaux plaisirs consuméristes et les traditions, le politique s'envenime, l'autorité est vacillante.
Les années vont se figer également pour toujours sur le beau visage ridé.
Les heures de cette journée s'égrenent inexorablement, le souvenir aussi s'estompe.

Par une écriture minutieuse et riche de détails comme des motifs délicats de passementerie, la narratrice veut conjurer l'oubli. Telles les luminosités dégradées du jour, la rutilance ordonnée des objets, l'observation parfois espiègle des petites manies font de cette journée un sublime et touchant appel au retour.
Elle ancre ainsi son dernier regard vers ce qui l'attend, les armoires prêtes à l'accueillir de nouveau plutôt que le vide du départ afin que tout recommence ... peut-être.

Un très bel extait parmi tant d'autres à découvrir :

"Montres anachroniques, mouchoirs de vieillesse, visages doux et fripés ! Mille voix curieuses s'échappent de vous, et dans votre finesse le fil de pensées ordonnées et sages, repassées dans la vapeur de l'après-midi d'une paix qui atteint jusqu'aux fibres du temps qui coule, et se dépose en vos petits carrés d'étoffe comme fait l'eau sur les dalles du patio arrosé. Vous avez ce caractère impeccable de la percale blanche qui recouvre les banquettes du séjour, et que ma grand-mère, chaque fois qu'elle se lève, tire vers les bords du matelas en passant la main sur les plis qu'y ont laissés les visiteurs".



Zakuro

1 commentaire:

  1. Bonjour! Votre article m'a beaucoup plu, mais j'ai un doute. J'ai besoin de savoir (pour mes cours de littérature) de quelle façon marche la grand-mère.
    Merci beaucoup.

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