"Ici on ne prend
pas la mer, on vient écouter chanter son bord".
Avec "ligne
12", le voyageur-lecteur ne prend pas le métro parisien, il traverse les
horizons.
Emmanuelle Pagano est
la merveilleuse conteuse qui nous transporte aussi bien dans les grandes étendues de la toundra pour goûter
les petites canneberges rouges que dans
l'intimité de la chambre d'un artiste de
Reims si encombré de toiles de ciel immense qu'il ne le voit
plus jamais de sa fenêtre. Nous
fait prendre le vent et les brises de l'Océan Atlantique, traverser les plaines
argentines avant de rejoindre une île de
l'Antarctique où "lorsque l'écume gèle, on voit des petits trous. Les
plumes de l'oiseau qui vient de se poser fument dans le froid".
Chaque station de la
ligne 12 correspond à un point méridien à l'échelle de ce voyage autour du
monde. Nous sommes en mouvement. Un paysage s'esquisse, s'érode naturellement, change. Se transforme aussi brutalement par les
changements climatiques "nous laisse découvrir un paysage qui aurait dû
attendre d'être vu, auquel nous aurions dû être préparés peu à peu. Il se
retire comme un drap brusquement enlevé, secoué".
A chaque station, l'écriture poétique et
sensible de l'auteure nous fait ressentir de manière très proche ses émotions
et ses songes, nous raconte une histoire, un lieu, des hommes.
Ses pensées vont vers
ces ailleurs oubliés où résistent encore
des villageois abandonnés. Vers cet
océan immense, bâteau-fantôme des exilés, et solitude des marins où le bruit
des écoutilles et des machines remplacent le chant de la mer. Les textes sont
marqués par le désir de "rêves de
trouées de lumière" et où le vent,
l'eau, la pluie, les brumes, la neige, la glace forment les embruns mouillés d'une prose poétique.
Les illustrations des
petits personnages hommes et femmes aux tons gris-bleu et rose de Marion
Fayolle sont très douces. Les courbes et les traits remplissent les surfaces
comme une légende de relief géographique, un bout de terre, un bout de
nous-mêmes.
"Les couleurs changent à cause de la météo, orageuse au large. La mer, séparée en deux par un
brise-lames, n'a pas la même couleur, n'a pas les mêmes bleus, d'un côté du
brise-lames et de l'autre. Le brise-lames est un brise couleurs, un
brise-bleus."
Zakuro.
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